Les atouts de Joël Bouchard n'ont d'égal que l'ampleur de la tâche qui l'attend (2024)

Pascal Vincent se souvient du moment où il s’est amené pour diriger le Junior de Montréal, une défunte équipe de la LHJMQ qui en était alors à ses balbutiements. Il y avait un propriétaire, un président, mais pas encore de secrétaire. En plus de l’Auditorium de Verdun, le Junior avait un bureau au centre-ville. Littéralement un bureau: une table en bois placée au milieu d’un tas de boîtes.

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C’est dans ces installations rudimentaires que Vincent a commencé à passer des entrevues pour choisir ses adjoints. Dominique Ducharme est l’un de ceux qui ont défilé devant lui. Ça a tout de suite cliqué entre lui et le nouvel adjoint de Claude Julien.

Mais un visage qui lui était plus familier allait ensuite s’ajouter sans qu’il fasse son chemin à travers le dédale de boîtes.

Joël Bouchard, qui était alors analyste à RDS, a appelé Vincent en lui disant qu’il voulait s’impliquer au sein du Junior. Vincent et lui avaient été coéquipiers avec le Collège Français de Verdun, une éternité plus tôt, et Bouchard venait lui proposer son aide.

«Il était supposé d’être là à temps partiel, mais Joël ne connaît pas ça, le temps partiel», a souligné l’entraîneur-chef du Moose du Manitoba en entrevue avec Athlétique.

Vincent, qui s’amenait après huit ans avec les Screaming Eagles du Cap-Breton, avait aussi hérité des responsabilités de directeur général chez le Junior. Il a donc dû déléguer plusieurs tâches à ses adjoints, si bien que Bouchard et Ducharme – deux entraîneurs recrues dans la LHJMQ– sont tombés dans la marmite très rapidement et ont vu leur processus de développement s’accélérer.

Pour Bouchard, ça a été la piqûre. Il a fini par délaisser la télévision et se lancer à pieds joints dans l’aventure du hockey junior. Aujourd’hui, ces trois anciens complices à l’immanquable chimie sont tous associés à une équipe de la Ligue nationale. Il ne manquait plus que Bouchard et ça a été officialisé jeudi avec sa nomination en tant qu’entraîneur-chef du Rocket de Laval.

«Le succès que ces deux gars-là ont eu m’a toujours rendu très fier parce que je sais que ce sont deux bonnes personnes et deux bonnes têtes de hockey, a confié Vincent. Aujourd’hui, de les voir tous les deux dans l’organisation du Canadien, je suis très content pour eux.»

Bouchard souhaitait d’abord terminer ce qu’il avait entrepris avec l’Armada de Blainville-Boisbriand, mais c’était clair dans son esprit que le poste derrière le banc du Rocket constituait la meilleure option pour la suite de son parcours.Le voilà donc de retour dans les rangs professionnels avec le club-école du Canadien, la formation avec laquelle il a donné ses derniers coups de patin en tant que joueur.

Bouchard le sait depuis qu’il est enfant et il l’a de nouveau senti à l’époque où il était analyste à RDS: l’attrait qu’exerce le Tricolore est immensément puissant.

«Je travaillais dans le public à ce moment-là et l’importance du Canadien de Montréal au Québec est inestimable, a-t-il raconté. C’est quelque chose d’inexplicable. À la station-service comme à l’épicerie, les gens sont heureux quand le Canadien a gagné et quand ils ont perdu, c’est ‘Pourquoi ils ont pas gagné?’ C’est en dedans de nous autres.»

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Comme ça a été le cas avec Ducharme il y a trois semaines, Marc Bergevin n’a pas perdu de temps à intensifier les pourparlers une fois l’équipe de son candidat éliminée.

«On est très conscients et très sensibles au fait qu’à Laval et à Montréal, un instructeur francophone est primordial, a convenu Bergevin en conférence de presse. On avait deux gars avec beaucoup de talent en Dominique Ducharme et Joël Bouchard et ma vision était d’avoir les deux à Montréal avec l’organisation. On a trouvé le moyen de les amener tous les deux. Ils ont beaucoup de potentiel.»

Alors que Ducharme aura l’occasion d’apprivoiser les rangs professionnels derrière le banc du CH, Bouchard amènera à Laval une nouvelle voix pour tenter de mieux développer les jeunes de l’organisation. Le club-école du Canadien vient d’éponger six années de succès mitigés dans la progression de ses espoirs et de résultats encore moins probants au plan de la fiche de l’équipe. Mais au-delà des victoires et des défaites, Bergevin l’a réitéré jeudi: l’objectif principal demeure d’amener les joueurs à évoluer pour le grand club.

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À cet égard, Vincent est convaincu que Bouchard saura s’illustrer.

«Joël est un bon communicateur, a souligné celui qui vient d’être choisi entraîneur-chef de l’année dans la Ligue américaine. C’est un gars qui est capable de s’ajuster et qui est super brillant. Il a une intensité, il a une présence. Il est confiant et ça, c’est important. Quand tu te présentes dans un vestiaire de hockey et que les joueurs professionnels ressentent qu’il y a un peu un manque de confiance, ils vont le sentir. S’ils ne le voient pas tout de suite, ils vont s’en apercevoir après un certain temps.

«Une autre chose qui est très importante, c’est la capacité de s’adapter au type d’équipe que tu as et au type d’individus que tu as. Je pense que Joël va performer là-dedans.»

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Photo d’archives: Minas Panagiotakis / Getty Images

Certains blâment la qualité des espoirs que le club-école du Canadien a eu à sa disposition au cours des dernières années, d’autres la façon dont ceux-ci ont été pris en charge. Ce qui est clair, c’est que le Tricolore doit au plus vite trouver des moyens de se manufacturer une relève.

«Le poste d’entraîneur-chef dans la Ligue américaine est en train de devenir l’un des plus importants dans le monde du hockey», soutient Bill Guerin, le directeur général des Penguins de Wilkes-Barre, un club-école qui est devenu une véritable pépinière d’entraîneurs, ayant vu depuis 2003 huit de ses instructeurs devenir entraîneurs-chefs ou bien adjoints dans la Ligue nationale. La liste est impressionnante: Michel Therrien, Mike Yeo, Todd Richards, Dan Bylsma, Todd Reirden, John Hynes, Alain Nasreddine et Mike Sullivan.

«Avec le plafond salarial qui nous empêche de payer tout le monde, ça prend des joueurs plus jeunes et moins coûteux, et il faut continuellement développer des joueurs pour combler des trous au sein de notre alignement de la LNH, a rappelé Guerin. Ça prend un bon entraîneur non seulement pour coacher l’équipe et gérer l’aspect victoire, mais pour enseigner aussi aux individus et leur montrer comment ils vont pouvoir devenir meilleurs et comment ils pourront atteindre la Ligue nationale et avoir un impact sur [notre équipe]. D’avoir les coachs qu’on a– et qu’on a eu auparavant – c’est extrêmement important.»

D’aucuns croient d’ailleurs que les coachs de la Ligue américaine sont sous-évalués et sous-payés par rapport à l’impact réel qu’ils peuvent avoir sur une organisation. Pour livrer des jeunes comme le décrit Guerin, il faut une gamme de compétences qu’on ne trouve pas à tous les coins de rue.

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Un entraîneur-chef de la Ligue américaine doit être capable de développer des joueurs en identifiant les bons éléments sur lesquels ils doivent travailler et en s’assurant justement qu’ils les travaillent. Durant les matchs, il doit optimiser le potentiel de l’équipe pour qu’elle puisse gagner des matchs. S’il emploie les bons joueurs dans les bonnes situations et au bon moment, les joueurs vont gagner en confiance car ils auront été placés en position de connaître du succès. En même temps, un bon coach de la Ligue américaine doit placer ses joueurs en situation d’apprentissage en les sortant de leur zone de confort – entre autres au plan de la vitesse d’exécution– afin qu’ils puissent croître en tant que joueur.

Vincent soulignait les atouts de communicateur de Bouchard qu’il a mises à profit dans le junior; elles pourraient être déterminantes dans son succès, car on entend de plus en plus de gens souligner combien la nouvelle génération de joueurs doit être approchée autrement.

«Tu peux moins les surprendre, observe Vincent. Ils ont des connaissances qu’on n’avait pas et ils arrivent beaucoup plus prêts mentalement. On doit s’ajuster à cela. Les communications changent et quand on a des conversations avec eux, il faut que tu sois préparé. Ils ne prennent rien pour acquis. Si je parle à un joueur et que je lui donne des indications, il ne les prendra pas telles quelles. Il va faire ses propres recherches. Il y a des joueurs qui vont te revenir et qui vont te dire, ‘Je ne pense pas que tu aies raison, coach, parce que j’ai regardé ça sur internet, j’ai parlé à mon agent, j’ai parlé à mon psychologue sportif…’ C’est challengeant, mais ça ouvre la porte à plein de discussions. Les jeunes qui réussissent aujourd’hui ont des capacités mentales supérieures à la moyenne. Ces jeunes-là veulent être poussés, ils veulent être mis au défi; de façon autoritaire, oui, mais de façon intelligente surtout.»

Les joueurs qui débarquent dans la Ligue américaine nécessitent une approche plus personnalisée que jamais et cela force l’entraîneur a bien connaître ses troupes.

«Un instructeur c’est un vendeur, a ajouté Bergevin. Il faut que tu vendes ton système et il faut que tu vendes ce en quoi tu crois. S’il y a une zone grise, les joueurs vont aller dedans. Je voyais qu’avec Joël, (il n’y avait pas de zone grise). Son approche et sa façon de vendre son produit, ses joueurs l’achètent. Il l’a fait au niveau junior et il n’y a aucune raison qu’il ne le fasse pas au niveau professionnel.»

Bouchard, qui en conférence de presse a parlé en plusieurs occasions d’établir un «partenariat»– autant avec ses joueurs que la direction de l’équipe– se décrit comme un entraîneur tough, mais juste. Et il ne voit rien de mal à être exigeant.

«Personne n’est ici pour perdre son temps, a-t-il fait valoir. On veut tous être le plus professionnel possible et ça va se faire dans le respect.»

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Le Rocket a besoin d’un sérieux coup de barre après les années Sylvain Lefebvre. Bouchard, qui choisira ses adjoints en temps et lieu maintenant que Donald Dufresne et Nick Carrière ont été remerciés, devra créer un environnement compétitif où tous les joueurs ont le sentiment qu’ils se font donner les ressources pour avancer. Au quotidien, l’entraîneur de la Ligue américaine doit faire en sorte que ses joueurs sentent que ce qui se passe à l’échelle de la LAH est important pour l’équipe de la LNH et que c’est important que la filiale gagne et soit compétitive. Si les joueurs y croient, ils vont s’investir davantage dans le succès collectif et ça va nourrir la culture.

En ce moment, cette culture-là reste à bâtir à Laval.

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